Ricort remonte le temps

Il a joué dans les deux clubs. Six ans à Monaco (77-83), trois ans avec le maillot niçois sur les épaules (87-90), Roger Ricort sait de quoi il parle quand il s’agit des deux clubs de la Côte « Et pour moi, paradoxalement, ce n'est pas un derby ! Il n'y a pas cette rivalité musclée comme avec Toulon, Bastia, Cannes ou même Marseille. Ce parfum de rivalité exacerbée, cette odeur de combat Monaco, c'est un voisin trop riche et on ne boxait pas dans la même catégorie. Avec les gens du rocher, c'était bon chic, bon genre et la honte de perdre contre le voisin n'existait pratiquement pas ».

Pour l'ancien milieu de terrain, cela vient aussi des deux cultures des deux villes qui sont diamétralement opposées. « Monaco dépend exclusivement de la volonté d'une famille Nice a derrière lui toute la passion d'une ville. »

Joueur, il a profondément ressenti la différence même s'il a connu de bons et grands moments dans les deux clubs. « Avec les Rouge et Blanc on a l'impression d'évoluer dans un cocon, d'être un joueur reconnu et côté. De faire partie des riches et des nantis. Il faut simplement arriver à bien jouer devant des banquettes vides. Une sensation horrible comparable à ce que doit éprouver un chanteur débarquant sur scène devant... personne! »

« Avec les Rouge et Noir, mouiller le maillot est une nécessité, un devoir une qualité reconnue. Le prix du travail bien fait se mesure aux litres de sueur dépensés. Le Ray a toujours vibré, poussé, transcendé les siens. Les vedettes et les autres. Depuis que j'ai rangé les crampons et après avoir aussi porté les couleurs de Toulon et Lille, je me rends mieux compte de la difficulté de se dépasser au Louis II. »

Les souvenirs, les anecdotes, les cli-chés, Roger Ricort en a gardé une pleine armoire. Il ouvre quelques tiroirs au hasard.

Il se souvient de son premier derby comme spectateur. « Markovic, I'entraîneur niçois avait eu le mauvais goût d'allumer Délio Onnis dans la presse. "Je ne voudrais jamais de lui dans mon équipe." Le dimanche Monaco avait gagné 4 à 1 et Délio avait planté... quatre buts! »

La première année pro en "rouge et blanc", Ricort ne joue pas. Mais il ne perd pas une miette du spectacle d'une équipe qui va être championne ! « Nice est venue se qualifier au Louis II en demi-finale de coupe de France avant de la perdre contre Platini et les siens. Un but de Bjekovic (hors jeu ?) avait fait beaucoup jaser ! »

Son premier derby, il le joue en 80/81. Après une longue parenthèse due à une blessure signée Luis Fer-nandez. « C'était mon match de rentrer et mon genou a relâché au bout de vingt minutes. Je ne savais pas que derrière j'allais devoir patienter 21 mois et manquer quelques rendez-vous. Seule consolation, Nice gagne et se sauve. Et dire que je parle comme ça alors que je jouais à Monaco !!! »

« Le dernier souvenir marquant que je garde se passe au cours de l'année 87-88. Monaco sera encore champion mais on les élimine en 169e de finale de la coupe (1-1 but de Kurbos. Retour 2-0 : Bravo et N'Dioro). Le Ray était chaud bouillant de voir la génération Hateley, Hoddie, Fofana, Amoros, Battiston, Puel, mordre la poussière. La fête avait été longue et belle. »

Et si l'histoire bégayait...

Yves MERENS
Vendredi 8 novembre 2002
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