Lucien Favre: «Si tu n’avances pas, tu te fais manger»
FootballLe Vaudois (59 ans) évoque sa vision du football et son métier d’entraîneur, à trois semaines de la reprise de la Ligue 1 avec l’OGC Nice.
L’homme n’est pas vraiment amateur de l’exercice. On avait d’ailleurs été briefé par le responsable de la communication de l’OGC Nice avant l’entretien: «Merci de ne pas insister sur le mercato avec Lucien Favre, en particulier sur son cas personnel et les rumeurs qui l’ont envoyé à Dortmund cet été.»
Pas de problème. On se contentera d’une seule question au sujet de son avenir et de son éventuelle ambition d’entraîner un jour un cador européen. Interrogation à laquelle le Vaudois répondra, avec le sourire: «Je n’ai coaché que des grands clubs (durant ma carrière), puisqu’ils ont toujours fini dans les trois premiers.»
Dans le salon du Grand Hotel du Domaine de Divonne, où les Aiglons ont séjourné la semaine dernière, le technicien de 59 ans évoque plus volontiers sa vision du football et son métier d’entraîneur. Avec simplicité et spontanéité.
Lucien Favre, quelle est l’actualité du Gym, à trois semaines de la reprise du championnat de Ligue 1?
On se prépare. On a fait quinze jours de fond à Nice avant notre stage d’une semaine à Divonne-les-Bains, qui a servi à renforcer les liens et à poursuivre le travail de manière intensive. On s’y est entraîné deux à trois fois par jour, parce qu’il s’agit de se préparer pour la saison dans son intégralité. La trêve hivernale est tellement courte en France.
Au niveau du contingent…
On est loin d’être au complet! On doit encore remplacer quatre éléments importants (ndlr: Belhanda, Pereira et Baysse sont partis, alors que Cyprien ne rejouera pas avant février). On vit donc dans une forme d’incertitude.
Dans ces conditions, difficile de savoir ce que l’on peut attendre de l’OGC Nice cette saison…
Impossible! Et puis, vous savez, avant mon arrivée, le Gym venait d’enchaîner 4e, 17e, 11e et 4e places finales en quatre ans… Ça veut dire ce que ça veut dire: c’est compliqué pour un club comme le nôtre, 10e ou 12e budget du championnat (ndlr: 42 millions d’euros), de régater avec les grosses écuries de Ligue 1 sur la longueur. On n’est pas dans la même dimension que Paris, Monaco, Lyon, Marseille ou Lille. Les équipes comme Nice sont vouées à perdre chaque année des joueurs importants. Dans le même temps, elles peuvent faire des efforts financiers sur deux ou trois recrues seulement. Vous me direz que l’argent ne fait pas tout. C’est vrai. Reste que l’influence de ce facteur est énorme.
Comment jongle-t-on entre les attentes nourries par votre historique 3e place de la saison dernière et la réalité?
Il n’y a pas d’attentes particulières. Les gens ne sont pas bêtes; ils savent que ce ne sera pas possible de réaliser des performances aussi exceptionnelles. Nous avons réussi une saison historique, mais c’est du passé. Il faut désormais regarder vers l’avant.
Qu’est-ce que cette incertitude vous inspire?
L’incertitude, le stress, la pression… Tout ça est omniprésent dans la vie, peu importe le domaine. La clé, c’est d’avoir une certaine capacité à maîtriser l’incertitude.
Et une faculté d’adaptation…
Tout à fait. Je dois procéder en fonction du cadre que j’ai à disposition afin de définir au mieux l’association de joueurs et les systèmes de jeu à aligner. Et puis, la saison passée, on était très bon dans la sortie du ballon, par exemple. Mais nos adversaires le savent et vont sans doute nous presser différemment pour nous mettre en difficulté. A nous d’anticiper.
Il y a cette incertitude. Et il y a vous, Lucien Favre, cet entraîneur méticuleux, désireux de maîtriser un maximum de paramètres…
Si tu n’es pas professionnel à 100%, c’est que tu fais mal ton travail. C’est pour ça qu’on bosse toutes les phases: la sortie du ballon, le jeu au milieu, fait de possession ou de transitions directes selon le moment, la contre-attaque, le pressing, les balles arrêtées… Mais ça prend du temps à tout maîtriser.
Il faut de la flexibilité chez les joueurs…
Disons que c’est idéal s’ils sont capables d’évoluer dans plusieurs registres, s’ils peuvent s’adapter aux différentes situations. Mais tout ça se prépare. On n’improvise pas un système de jeu à la dernière minute. Le joueur doit sentir qu’il l’a pratiqué, il doit avoir confiance, sinon il ne sera pas réceptif. Dans ce sens, sa faculté d’enregistrement est essentielle. Si vous avez un gars qui a besoin de temps pour comprendre, c’est difficile. Si, au contraire, vous avez un élément qui sent le jeu, ça change tout. Mais l’intelligence de jeu, ça ne s’apprend pas. Tu l’as ou tu ne l’as pas à la base. A Nice, on en a pas mal qui en sont doté. C’est donc une bonne chose.
Vous insistez aussi beaucoup sur la maîtrise technique, en faisant sans cesse répéter les fondamentaux à vos joueurs…
C’est lié à la tactique. Tout est lié. Si on veut sortir le ballon proprement, il faut également une bonne maîtrise technique. Pour gagner en qualité, en rapidité d’exécution, en confiance. Alors, oui, on travaille les passes, les contrôles, des deux pieds, trois fois par semaine durant 20 minutes.
Vous dites souvent que le résultat est indissociable du jeu, voire qu’il passe par le jeu…
«Toujours jouer», c’est le leitmotiv, la philosophie. Mais il faut parfois se montrer réaliste et s’adapter. Face à un adversaire qui a de la difficulté à sortir le ballon, par exemple, on lui laissera probablement davantage la possession et on cherchera à le presser pour le contrer.
Comprenez-vous un Guardiola à Manchester City, qui souhaite absolument rester fidèle à ses principes malgré les critiques et une saison en demi-teinte?
Il ne faut pas être totalement fermé. Mais, quand on est convaincu par sa philosophie, je pense qu’on doit s’y tenir. Je comprends parfaitement Guardiola. Il a entièrement raison.
Jusqu’ici, vous avez connu des clubs d’un certain standing (dont le Hertha Berlin et le Borussia Mönchengladbach en Allemagne). A 59 ans, êtes-vous encore porté par l’objectif ou le rêve d’entraîner une équipe prestigieuse?
Je n’ai coaché que des grands clubs, puisqu’ils ont toujours fini dans les trois premiers.
Comment avez-vous évolué au fil de votre carrière?
Dans mon ensemble. Celui qui ne se développe pas est mort. C’est la vie. Les autres avancent. Donc si toi tu n’avances pas, tu te fais manger. C’est ce que je martèle à mes joueurs. En tant qu’entraîneur, il faut être ouvert sur tout: la tactique, les exercices, la psychologie, la gestion humaine, la communication… Et puis, avec le temps, l’expérience et les résultats, on gagne naturellement en assurance, en confiance.
Vous évoquez la gestion humaine, la communication. A quel point est-ce important?
C’est fondamental de parler régulièrement avec ses joueurs. Mais le tout est d’être en mesure de sentir le moral de ses gars et de savoir quand c’est le moment d’une tape sur l’épaule ou d’une petite phrase marrante.
A l’entraînement, vous encouragez, félicitez et aiguillez sans cesse vos joueurs…
Il faut leur donner confiance et les motiver, parce qu’on veut jouer avec du rythme. Le football va si vite aujourd’hui…
Vous agissez un peu à la manière d’un chef d’orchestre. Quelle part accordez-vous aux libertés?
Le collectif, c’est bien joli. Mais, très souvent, ce sont les actions individuelles qui font la différence. D’ailleurs, si vous ne disposez pas d’éléments déclencheurs, capables de dribbler et d’éliminer un adversaire, vous avez un petit problème.
Dans votre quête de la maîtrise, comment faites-vous pour gérer tous les paramètres dans votre tête?
C’est une question d’habitude. J’essaie de me focaliser sur les choses qui sont déterminantes. Après, on ne peut pas tout calculer non plus. Mais l’objectif est d’éliminer au maximum la part du hasard. Et de provoquer la réussite. (24 heures)
Créé: 14.07.2017, 15h57
Par Jérôme Reynard
@jeromereynard
Divonne-les-Bains Mis à jour à 15h57
Petit rappel pour les derniers arrivants qui n'auraient pas encore vu ce reportage sur Lulu de Nice, avec Mme Rivère, entre autres. Son parcours de joueur (avec son coup-franc victorieux lors de sa première sélection en équipe suisse contre les Pays-Bas de Gullit), et celui d'entraîneur.
Avec Guardiola disant : "Pour moi, Lucien Favre est le meilleur entraîneur que j'aie rencontré".
Age: 42 Inscrit le: 24 Déc 2014 Messages: 62 Localisation: Entre port et montagne !
Euro 2024 :
" Le collectif, c’est bien joli. Mais, très souvent, ce sont les actions individuelles qui font la différence. D’ailleurs, si vous ne disposez pas d’éléments déclencheurs, capables de dribbler et d’éliminer un adversaire, vous avez un petit problème."
Ça ne vous fait penser à personne cette description de joueur manquant ?
Age: 35 Inscrit le: 17 Juil 2007 Messages: 21027 Localisation: Le K12 Recrutor™ est partout
Euro 2024 :
Bachas a écrit:
" Le collectif, c’est bien joli. Mais, très souvent, ce sont les actions individuelles qui font la différence. D’ailleurs, si vous ne disposez pas d’éléments déclencheurs, capables de dribbler et d’éliminer un adversaire, vous avez un petit problème."
Ça ne vous fait penser à personne cette description de joueur manquant ?
Pas vraiment non
Si encore il aurait dit : "... D'ailleurs, si vous ne disposez pas d'éléments déclencheurs, capables de dribbles et d'éliminer six ou sept adversaires, vous avez un petit problème. "
La même ambiance contre l'Ajax que celle du Borussia-Park (toujours plein, 54'000)
(Milieu du reportage)
... et sa manière unique d'applaudir, verticalement (fin du reportage)
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