Ce bonheur nommé Traoré

Il est devenu le héros improbable d'une soirée inoubliable. Mieux que ça : si son but n'a fait « que » signer le 2-0 dans les arrêts de jeu, la réussite de Sammy Traoré, le remplaçant habitué à ne pas décoller du banc niçois, ne pouvait mieux symboliser cette équipe. Fraîche, naturelle, fidèle à des valeurs simples mais solides... et rares.

Dans le milieu du foot, ou dans la vie tout simplement, on dirait volontiers de Traoré qu'il est un garçon atypique. Attentionné, doté d'un sens de la farce et de l'autodérision à se crouler de rire, mais rigoureux dans sa mission, parce que, comme il dit, il « mesure la chance de faire ce métier », Sammy, l'éternel sourire collé aux lèvres, le bonnet vissé sur le crâne (« pour réchauffer mes oreilles décollées 1 »), est un géant d"l,94m au cœur doux. « Je ne sais pas si c'est le fait d'être l'aine d'une famille de douze enfants, mais c'est vrai, j'ai l'habitude de faire attention aux autres », dit-il.
A Créteil, où il a grandi, dans une tour à deux pas du stade Dominique-Duvauchelle, Sammy Traoré, après ses débuts en National à 18 ans, avait senti la nécessité de se rendre utile. Il était devenu conseiller municipal, avec ce voeu de favoriser la pratique du sport pour tous... « II faut penser aux bénévoles », dit-il. « Je n'ai pas oublié le dirigeant de mon premier petit club, l'ASPTT Paris qui nous emmenait avec un copain dans sa vieille voiture aux entraînements ».

En pensant à la famille

Le destin a donc voulu qu'il inscrive son premier but en Ligue 1 à Auxerre, avant de rejoindre sa famille à Créteil le temps d'un dimanche accordé par Gernot Rohr, avec son épouse Clémentine et le petit Ladji (1 an). Evidemment, chez les Traoré, originaires du Mali, on était tous devant la télé hier, et l'explosion de joie à la 92' a dû faire des remous jusqu'aux rives du lac !
« II va falloir que je trouve les mots pour raconter tout ça. A la maison, le plus mordu, c'est mon grand-père italien, du côté maternel », dit Sammy. Dans les vestiaires de l'Abbé-Deschamps, le garçon rayonnait, lui qui n'avait « même pas osé rêver » marquer à Auxerre. « J'ai vu arriver le ballon de Noé (Pamarot), je me suis jeté, et voilà... Là, je suis griffé de partout, après mon but, tous les gars me sont sautés dessus, je ne pouvais plus respirer, je ne savais plus où j'étais ! ».

A la fin des entraînements, Traoré, lui, le défenseur, dernier arrivé au Gym (début septembre), ne se défile jamais quand il s'agit de jouer un repas sur les reprises de volée devant le but. S'il se fait volontiers « chambrer » par les attaquants, c'est qu'il est loin d'être maladroit des pieds, du haut de sa longiligne carcasse... Et c'est aussi à cause d'un sens inné de la répartie. A Nantes, où il n'était pas sur la feuille de match (suspendu), Rohr avait confié à Sammy Traoré la tâche de porter le gros bouquet de fleurs de la délégation niçoise. Ainsi piégé par la télé, à la descente du bus devant la Baujoire, Sammy avait trouvé la réplique directe, et désopilante : " Eh, bien, mesdames et messieurs, voici en exclusivité pour vous, le bouquet du meilleur suspendu de la journée! ». C'était avant son titre (tout aussi officieux) de buteur le plus innatendu de l'année.

Lundi 18 novembre 2002
Tous droits réservés - © Nice-Matin