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Vol au dessus d'un nid d'aiglons

France-Football, le 06/12/2002 à 13h08

IMMERSION. Une semaine durant, France-Football a vécu au sein de l'équipe niçoise, qui a repris la tête du classement de Ligue 1. Avec, notamment, au programme, un déplacement douloureux à Sedan (défaite 3-0) suivi d'une victoire probante mardi contre Ajaccio (3-0), voyage en compagnie d'un groupe qui a bouleversé le décor du Championnat grâce à des valeurs de solidarité, de simplicité et d'authenticité.

Cette saison, le destin de Nice a enrichi le catalogue des belles histoires que compte le football français. Repêché in extremis en Ligue 1, le club azuréen flotte depuis l'été dernier dans la partie supérieure du classement, grâce à un équipage composé de joueurs revanchards. Pendant sept jours, du 27 novembre au 4 décembre, avec notamment au menu un déplacement à Sedan et la réception d'Ajaccio, France Football s'est immergé dans ce groupe, de manière à s'imprégner de son quotidien et à mieux saisir son mode de fonctionnement et son état d'esprit.

Mercredi 27. UN POT POUR OSCAR . Le ciel azuréen a étendu un drap bleu immaculé qui recouvre l'horizon, mais sans doute Gernot Rohr voit-il encore passer devant ses yeux des ondées de bonheur. Deux jours auparavant, en effet, un magnifique Oscar a fait scintiller son existence. « II s'agit de mon premier trophée de la saison », glisse sur un ton badin l'entraîneur de Nice, qui n'a pas eu à épousseter une quelconque armoire à récompenses pour glisser sur une étagère l'objet de son contentement. Petit être de chair, source de grande joie paternelle, Oscar préfère sûrement être niché dans les bras de sa mère, en Gironde, là où le francophile technicien du Gym l'a laissé, afin de rallier son lieu de travail, et de poursuivre l'enfantement pour l'instant réussi de la saison niçoise. Et dans l'attente de voir éventuellement fleurir, au printemps prochain, un heureux événement sur le plan sportif, il cueille déjà avec plaisir le bouquet de félicitations que lui tendent quelques habitués, juste avant l'entraînement. En franchissant la route qui sépare le vestiaire du terrain, il s'arrête même un instant sur les chemins du souvenir avec ces supporters qui le congratulent. « Le prénom de mon fils vient de celui de mon grand-oncle, Oskar, leur conte-t-il. Il était international allemand, mais il avait dû fuir en France, où il avait participé à notre Championnat, obtenant même avec Strasbourg le titre de meilleur buteur en 1937 (NDLR : avec 30 buts). » On ne sait si le dernier-né de Gernot Rohr connaîtra pareille consécration, mais il apprendra sans doute un jour que sa naissance a été célébrée au cœur d'un vestiaire de footballeurs professionnels, celui d'une des équipes de tête de la Ligue 1. Il saura alors qu'un jeu à trois entre le Champagne, le Coca et les pizzas s'est déroulé sur la table centrale et que certains joueurs ont offert leur tournée de plaisanteries, telle celle-ci : « Eh, Gernot, c'est ton anniversaire ? » Non, mais pareille circonstance aurait pu commander cette amicale réunion puisque, depuis la saison passée, on ne tourne pas autour du pot. Naissance, anniversaire, premier match disputé, premier but marqué, tout est un heureux prétexte pour boire ces petits verres qui forment une des sources de la camaraderie. « ici il y a une joie de vivre sur le terrain et endehors, constate Pancho Gonzales, intendant et mémoire vivante du club. En fait, ce qui se passe cette saison au sein du groupe, ça ressemble à un gâteau qui a bien levé, bien cuit, car tout le monde a mis la main à la pâte. » On sent d'ailleurs dans le vestiaire les effluves de bonne humeur que dégage cette pâtisserie imaginaire, on goûte aux tranches de rigolade que les joueurs s'octroient en ce jour de petite cérémonie pour Oscar. Croisant le talentueux Brésilien Everson, quelques-uns de ses coéquipiers taquinent en effet celui qu'ils surnomment « le fils » de Gernot Rohr en lui lançant : « Félicitations, " Evi " ! » Surpris, le milieu de terrain de Nice, dont le destin a croisé celui de son actuel entraîneur lors d'un passage à Bordeaux, leur répond naïvement : « Mais pourquoi ? » Escortée par plusieurs rafales de rires, la réponse fuse : « Pour la naissance de ton frère, Oscar ! » Cette riposte verbale élargissait encore le sourire de Rohr quelques heures plus tard, alors qu'il devisait avec des supporters au sein d'un bar niçois, tout en sirotant une bière dans une atmosphère un peu moins enfiévrée que celle l'ayant accueilli à son arrivée. Appuyer sur la télécommande du temps et choisir la touche retour rapide s'impose alors : il est 19 heures passées en ce mercredi de novembre, le coach franco-allemand descend de sa voiture en compagnie d'Everson et il est aussitôt assailli par une poignée de fidèles du Gym, appâtés par la séance d'autographes annoncée le jour même dans le quotidien régional Nice-Matin. Alors, durant quelques minutes, les sollicitations jaillissent aussi promptement que des tirs au but pendant l'entraînement. On lui présente un tee-shirt ? Il le signe. Une photo lui est réclamée ? Il la dédicace. Un objectif pointe le bout de son nez ? Il s'offre aux flashes des photographes amateurs.
A l'intérieur de l'établissement, le rythme est identique pour Everson qui multiplie les échanges verbaux à la même cadence que les échanges de balle sur un terrain et qui orne de sa signature les posters présents en nombre, Autant d'attentions que le Brésilien enrobe avec toute sa gentillesse car, aux yeux de Gernot Rohr, la présence de son joueur comme la sienne est une manière de renvoyer l'ascenseur à ces supporters qui ont contribué à ce que l'OGC Nice demeure au premier étage du football français. « Ce sont des petits gestes qui nous permettent de les remercier pour leur confiance et leur soutien », souligne l'entraîneur, qui est attentif à ce que son équipe soit impliquée dans la vie niçoise. Lors des jours prochains, par exemple, les joueurs se rendront à l'arbre de Noël de l'hôpital Lenval. L'un d'entre eux pourrait même ce jour-là s'habiller en Père Noël, un déguisement que l'équipe revêt sans doute aux yeux des supporters depuis le mois d'août.

Jeudi 28. UN CONCOURS SANS FIN . La séance d'entraînement est toute proche de s'éteindre, mais la flamme du jeu brûle encore à l'intérieur de plusieurs joueurs, peu empressés de rallier leur vestiaire. Une telle effervescence est normale puisque le Jeudi correspond au jour des tirs et autres reprises de volée, Dans l'un des buts s'est d'ailleurs installé Laurent Gagnier. habituel attaquant, mais portier de circonstance qui voit fuser les ballons autant que s éclats de rire, qui titille de temps en temps s frappeurs à l'aide de remarques provocatrices. « Eh, les gars, vous ne marquez plus ! » prononce-t-il ainsi à Pamarot. Ayeli ou Traoré, sou-lin plus virulents dans leurs tentatives. Il faut re que les filets qu'ils visent peuvent être gars d'un repas offert par le perdant, lorsque le concours en désigne un, ce qui n'est finalement s le cas en ce jeudi maquillé de gris. Dette fois-ci, les centres étaient tellement mauvais qu'on a arrêté, rigole encore Kaba Diawara une heure plus tard. Mais, d'habitude, on va bout, et le dernier qui parvient à inscrire trois ts offre le restaurant à tous les autres. Et je IK TOUS dire que le perdant pleure, car, en vrai, nous sommes neuf ou dix à participer à s concours! Il y a notamment Sammy (Traore), Kelly (Berville), Noé (Pamarot), Eric (Roy), Laurent (Gagnier), "Evi" (Everson), patrick (Barul)... Celui qui a payé le plus cher, jour, c'est Sammy, tellement nous étions fibreux. Et puis il y a celui qui mange toujours à l’œil ! C'est Serge (Ayeli) ! » S'adressant alors à coéquipier de l'attaque azuréenne, Diawara une flèche amicale : « Eh, Serge, d'ici à la fin 'année, il faudra que tu penses à inviter au moins une fois tout le monde ! » justement dans le restaurant où les perdants règlent traditionnellement leurs dettes culinaires que l'avant-centre prêté par le Paris-SG met gentiment les pieds dans le plat en taquinant son partenaire. A ses côtés sont assis Ever-son, Sammy Traoré et, donc, Serge Ayeli, le temps d'un repas comme il s'en déroule semaine après semaine en conclusion de chaque concours. « On part ensemble à la fin de l'entraînement c'est pratique », commente le gaucher brésilien, aussi ravi par les résultats du Gym que par l'excellente ambiance qui parfum gardien de son équipe. Mais cette cohésion n'est-elle justement pas le corollaire obligé du parcours de l'OGC Nice, qui a marché d'emblée sur le toit du Championnat, alors que tous les augures lui promettaient un séjour prolongé dans les sous-sols de la Ligue 1 ? « A la base, une osmose s'est créée et même, sans d'aussi bonnes performances, il y aurait eu une bonne atmosphère au club », tient à répondre Ayeli, avant que Diawara n'intervienne à l'occasion de ce tour de table assaisonné de quelques éclats de rires et épicé de quelques plaisanteries. « Avant le début de saison, il existait déjà une bonne ambiance en raison de la dynamique impulsée par la montée, explique l'ancien attaquant de l'Olympique de Marseille. Et tous les nouveaux, comme moi, n'ont eu qu'à se fondre dans le moule qui existait déjà. » Les mets, eux, n'ont guère le temps de fondre dans les assiette des seuls Everson et Ayeli, car la confession musulmane de Diawara et Traoré leur impose de jeûner en cette période de ramadan. Le plat de résistance promptement avalé, le dessert dribblé avec facilité, il reste alors ces quelques mots d'Everson saupoudrés sur le repas comme des grains de bonheur : « Ce qui se passe, ici, c'est formidable, car on est la surprise. En arrivant ici, on ne s'attendait pourtant à rien de tout cela. Alors, on prend aujourd'hui beaucoup de plaisir. C'est quelque chose de si fort, pour nous comme pour les gens de Nice, qui méritent ce qui arrive. On voit de la joie partout, les supporters sont tellement heureux. Il faut profiter de tout ce qui «passe » Et tout faire pour que ça se poursuive.

Vendredi 29. DRÔLES DE MASSAGES. Présent dans les conversations, l'humour de joueurs niçois s'affiche aussi sur les parois de 1 pièce réservée aux soins. Sur un pan de mur, 1 thème récurrent de la « filiation » entre Gernot Rohr et Everson est ainsi illustré par une photo montrant les deux hommes ensemble, un cliché paru récemment dans la presse et accompagné du commentaire suivant : « En famille ! » Cette image cohabite avec celle ekanmi Olufadé «le Beau Gosse», ou celle de Sammy Traoré, « le Joker », une appellation incontrôlée évoquant son but inscrit à Auxerre, le 16 novembre, quelques instants après son entrée en jeu. Pour l'instant en nombre réduit, ces clins d'œil devraient fourmiller dans les mois avenir. « D'ici la fin de saison, on espère tapisser entièrement le mur en le recouvrant de photos accompagnées d'un commentaire, d'un titre, d'une légende », explique le capitaine José Cobos, assis aux côtés de Romain Pitau.
Blessés et indisponibles pour se mêler au déplacement en terre sedanaise, fixé le jour même en fin d'après-midi, les deux hommes s'abandonnent aux mains du kiné Christian Gal, tout en lui servant quelques anecdotes piochées dans les tiroirs de leur mémoire et en lui lançant à la volée une poignée de plaisanteries. Au nombre de mots gagnants et de points marqués, le double composé des deux joueurs mène largement alors qu’une radio emmène jusqu'à a Nice les clameurs de Bercy et de la finale de Coupe Davis France-Russie. Cette épreuve, qui figure dans le gotha des plus belles aventures d'équipe, a parfois permis à des nations de valeur collective supérieure à la somme supposée de leurs individualités. Un constat jumeau est souvent effectué à propos de Nice, une formation composée pour partie de joueurs auparavant oubliés dans d'autres clubs et qui, ensemble, magnifient l'histoire du Gym.
Mais quelle est donc la formule gagnante de cette fulgurante alchimie ? Quels sont les secrets de cette solidarité bâtie sur du ciment prompt ? « C'est quelque chose qui ne s'explique pas, répond José Cobos, entre deux soins vous discutez avec quelqu'un que vous ne connaissiez pas deux heures auparavant et en parlant, vous avez l'impression de le côtoyer puis des années. Ici, c'est pareil, et c'est ce qui fait la magie de ce groupe : on vient tous d’horizons différents, et pourtant, on se connaît tous bien. chacun a amené sa personnalité chacun a participé à ce que notre complicité soit, si bien qu'aujourd'hui il existe entre nous respect mutuel qui permet de se dire beaucoup de choses qui ne seraient pas prononcées au sein d'autres équipes. »
Voilà pour la parenthèse sérieuse de l'après-midi par 1’ancien joueur de Strasbourg d’humeur taquine, charrie de nouveau Christian e son initiative d'organiser le soir même s les Ardennes des massages avec deux de anciens d’élèves en kinésithérapie. « Tu joues ta place ! » lance Cobos, qui patientera jusqu’au prochain voyage dans l'Est pour que son corps ! éventuellement connaissance avec les s de Cathy et Antoine, venus ce jour-là us la Belgique voisine jusqu'à Villers-semeuse. C'est en effet dans cette ville proche de sedan que la délégation a choisi de prendre quartiers, après avoir voyagé par avion privé jusqu'à Belval, un aérodrome situé à proximité de Charleville-Mézières. L'appareil se pose sur la minuscule piste d'atterrissage en début de soirée, avant de confier ses passagers à un bus qui rallie l'hôtel vers 20 heures. Soixante minutes plus tard, le défilé commence dans une pièce du rez-de-chaussée où trois tables de massage ont été disposées, un nombre suffisamment élevé pour que le brassage de joueurs soit important et l'ambiance joyeuse, puisque les esprits se détendent évidemment en même temps que les muscles.
A l'entrée de la pièce, Pancho Gonzales participe à cette double relaxation en défiant Serge Ayeli à la « mourre », un jeu corse qui consiste à montrer simultanément un certain nombre de doigts en annonçant la somme présumée des doigts dressés. «« Pancho, je t'ai fait trembler ! Tu es content, tu as gagné devant tout le monde », s'écrie l'Ivoirien Ayeli, juste avant que le sujet de conversation ne vienne se poser sur la manière dont certains joueurs de l’équipe fêtent leurs buts. Everson endosse alors des habits d'imitateur, mais si son numéro permet une nouvelle fois de faire résonner des notes de gaieté dans la pièce, d'entendre une mélodie joyeuse qui se faufile jusque dans le hall, la seule décontraction ne saurait résumer le quotidien de l'équipe. « II y a une ambiance bon enfant, mais il ne faut pas se tromper, il y aussi du professionnalisme, juge Christian Gal. On a l'impression que c'est une foire, mais ils sont tous arrivés à l'heure et ont tous effectué leurs soins pendant le temps nécessaire. Dans le football, j'ai rarement connu une osmose entre bonne humeur et rigueur. Ce les moments précieux qui me font penser à vécus la saison passée avec l'équipe finale de la Gambardella, car la notion de groupe prédomine. Ici, il n'y a pas de stars. » Ce qui n'empêche pas l'équipe de croire en son étoile.

Samedi 30. UN VOYAGE À VIDE. Un paysage silencieux ceinture l'aérodrome de Belval, immergé dans une nuit qui tremble de froid. Il est 23 heures passées, et l'avion privé de trente places, loué pour accomplir l'aller-retour entre Nice et Sedan, attend les joueurs. Pour la première fois de la saison, un vol spécial assure le transport du groupe, alors que, jusque-là, la chronique niçoise avait rapporté l'histoire d'un club économe empruntant les lignes régulières et se Songeant dans le flot des voyageurs ordinaires. « On a en effet décidé d'avoir un budget qui tienne la route, explique le président Maurice Cohen. Alors, on impose aux joueurs de voyager comme tout le monde, sauf quand c'est nécessaire au niveau sportif. On réalise de grosses économies sur les déplacements, mais on ne regarde pas à la dépense si besoin est. »
Et, justement, besoin il y a en ce week-end partagé entre novembre et décembre, car les impératifs liés à la récupération réclament de rallier la Côte d'Azur dès le terme de la rencontre. Ce retour à vitesse rapide facilitera ainsi la préparation des deux proches rendez-vous qui se profilent dans le paysage niçois : une rencontre de Championnat dès le mardi, face à Ajaccio, puis un déplacement à Créteil ce samedi dans le cadre de la coupe de la ligue. Mais le triptyque que composent ces trois rencontres voisines a débuté en ce samedi soir par un échec au stade Louis-Dugauguez : un Gym pas très tonique a laissé à Sedan les trois points de la victoire (3-0). Nice concède ainsi sa troisième défaite de la saison, mais aussi la plus large. En descendant du bus stationné à proximité de l'avion du retour, Adekanmi Olufade doit donc sentir dans son sac de sport le poid des regrets, mais l'echec n'a pas bridé sa gentillesse, ni freiné sa disponibilité, en dépit de l'heure tardive. Sollicité par un tout jeune supporter, le Togolais se plie à l'exercice de la photo, et cette image s'accorde bien avec celle captée le matin même en préambule du réveil musculaire organisé dans un petit stade proche de l'hôtel.
Avant que la séance ne commence, Gernot Rohr a choisi en effet de répondre aux sollicitations d'un jeune supporter. « C'est son anniversaire, il a dix ans. Venez, tout le monde, on va faire une photo de groupe ! » lance à son effectif l'ancien joueur du Bayern Munich, attentif à l'environnement de l'équipe. D'ailleurs, un peu plus tard dans la journée, à la vue d'une poignée de fans certifiés rouge et noir qui fêtent l'arrivée du bus aux abords de l'enceinte sedanaise, il glisse au chauffeur : « Klaxonnez-les, faites-leur des appels de phare ! » Salués par les clignements d'yeux lumineux que leur adresse le conducteur, ces fidèles agitent alors drapeaux et écharpes sans se douter que leur formation va, en vain, chercher la lumière durant la majeure partie de la rencontre. Qu'importé, à la fin du mateh, ils sont toujours présents, postés derrière des grillages, interpellant leur héros au moment de sa montée dans le bus : « Gernot ! Gernot ! »
Demandé, apostrophé, l'être hélé s'approche, découvrant un groupe plutôt paisible, mais qui compte dans ses rangs un excité à la mémoire aussi courte qu'ingrate. « Ça ne va pas, ça fait deux matches que vous ne jouez pas ! » clame-t-il, tandis que ses collègues tempèrent ce microclimat orageux. « La victoire de Rennes sur Lille (5-1) montre que le 0-0 face aux Bretons n'était pas un mauvais résultat. Ce soir, vous avez perdu, mais ce n'est pas grave. Continuez, Gernot ! » Face aux exclamations diverses, Rohr affiche pourtant un calme et une courtoisie qui ne le quitteront pas le restant de la soirée, passé sans que le masque de la défaite ne vienne se poser sur son visage. Plus tard, quand l'avion aura rejoint les nuages, Gernot sollicitera même en lui quelques pincées de dérision : « Vendredi prochain, on retrouvera les lignes régulières pour partir à Créteil. Ça nous portera peut-être plus chance car, ce soir, le charter ne nous a pas réussi. D'ailleurs, durant la saison dernière, les trois fois où nous avons utilisé ce mode de déplacement nous avons perdu sans inscrire moindre but ! » Les voyages privés ne le transportent donc pas de bonheur.

Dimanche 1er . LE JOUR DES ENFANTS. L'atmosphère du parc Charles-Ehrmann est gonflée de cris et de vie. Dans ce complexe sportif, qui comprend notamment le Nikaia, plusieurs rencontres juvéniles égayent ce dimanche matin parfois mutin. Par deux fois, en effet, une grappe d'apprentis footballeurs pénètre sans scrupule sur le terrain d'entraînement réservé aux professionnels au moment ou quelques uns d’entres eux effectuent un court décrassage. Ces indésirables sont amicalement repoussés par un membre du staff, sans que cette situation n'éveille une quelconque colère. On imagine mal, pourtant, pareille intrusion se dérouler à Paris ou Marseille, et on ne conçoit pas non plus que, dans ces clubs-là, des enfants puissent aisément atteindre la porte du vestiaire et tambouriner dessus pour réclamer la venue des joueurs en soins et l'obtention d'autographes. A Nice, pourtant, en ce lendemain de défaite, la scène existe et n'émeut personne puisque, faute d'infrastructures propres, le club est immergé dans le quotidien, à l'image des joueurs, qui se garent sur un vaste parking public parfois encombré et parcourent quelques dizaines de mètres à pied pour rejoindre leurs installations. Cette proximité dessine ainsi une réalité très dissemblable de celle constituée par les huis clos teintés de paranoïa, par les camps d'entraînement retranchés que chaperonnent des cerbères à oreillette. Le contact est donc direct pour les supporters, notamment avec Gernot Rohr, qui sort des lieux en fin de matinée pour aller courir en solitaire, après avoir rassemblé ses joueurs dans le vestiaire. « Ce fut une réunion comme on en fait d'habitude, assure-t-il. Il n'y a pas de crise, car je préfère être à notre place qu'à celle de Sedan ! Tout le monde était moins bien que d'habitude, notamment en raison d'une petite lassitude physique. On a pris une gifle, ce qui fait parfois du bien, mais il faut éviter d'en encaisser une seconde face à Ajaccio. Et si le groupe était déçu, j'ai rappelé à tout le monde que l'objectif ne consiste pas à devenir champion de France. Nous ne sommes pas candidats au titre ! » Pourtant, le milieu de terrain Romain Pitau glisse régulièrement l'objectif Ligue des champions dans ses discussions. Mais il s'agit d'un jeu innocent avec quelques journalistes locaux, d'une plaisanterie qui se perpétue depuis le début de saison, car les ambitions niçoises n'atteignent évidemment pas des sommets si élevés. Cetiefr de leu» supporters, en revanche grimpent parfois jusqu'à une altitude insensée, comme le souligne Eric Roy, qui quitte à son tour le vestiaire : « II y a beaucoup de gens autour de nous qui s'enflammaient. Et même si l'équipe est restée les pieds sur terre on a toujours inconsciemment tendance à se laisser bercer un petit peu par cette euphorie générale. Or. dans ce Championnat, tous les matches sont difficiles. Alors, il faut simplement essayer d'obtenir le plus rapidement possible les quarante-deux points nécessaires pour le maintien. » Après, fl sera temps pour eux, éventuellement, de repousser les frontières de leurs ambitions. Mais d'ici là l'humilité imbibera leurs discours, ni exaltés dans la victoire, ni tragiques dans la défaite.

Lundi 2. GROS SEL ET SÉANCE VIDÉO. La veille des matches disputés dans leur antre, les joueurs de Nice roulent jusqu'à Garros. Dans ce village niché dans l'arrière-pays niçois, ils viennent se mettre au vert, après avoir franchi le Var et emprunté le chemin menant Lou Castelet, un restaurant gastronomique qui sait réussir les petits plate comme les grands. Le potage ou la purée, dont les saveurs prouvent que les cuisiniers ont banni l'artificiel, en attestent, et on peut penser que les anciens dirigeants italiens du club ont eu bon goût de choisir cet établissement. Leurs successeurs ont prolongé la tradition, pour le grand plaisir de Catherine Servella, la maîtresse de maison, qui a inscrit le Gym au menu de ses passions. « Vous êtes obligé d'aimer ce que votre fils aime, explique-t-elle. Alors, comme il a joué au Cavigal de Nice et qu'il est un grand supporter de l'OGCN, je soutiens aussi l'équipe. »
Et au cours de la saison dernière, elle s'est tant imprégnée de la cause des Bouge et Noir qu'elle a décidé de préparer avant chaque rencontre sa propre recette, de façon à faire gagner les Aiglons. Quels en sont les ingrédients ? Il n'est nul besoin de la cuisiner pour en apprendre davantage. « Les jours de match, je prends du gros sel marin qui n'a pas été raffiné et je le jette en trois fois dans la cheminée. Je récite alors une prière très ancienne et très puissante, que m'a transmise ma marraine lors de sa mort, en souhaitant à l'équipe de gagner ou d'égaliser. Selon les étincelles ou la crépitation, je sais aussitôt comment Nice va se comporter. Je ne voudrais pas paraître prétentieuse, mais le jour où les joueurs sont partis à Sedan, le feu n'a pas répondu et j'ai dit à ma famille : " Ça ne va pas bien se passer. " Demain, en début d'après-midi, lorsqu'ils seront partis, je recommencerai. »
Alors, une fois de plus, Catherine Servella apportera son grain de sel dans l'histoire d'une saison déjà bien relevée. Le plus souvent pimentée par la réussite, elle comporte aussi depuis samedi une défaite poivrée subie dans les Ardennes, si bien que la venue d'Ajaccio présente un challenge piquant : vaincre de nouveau, pour éviter de verser le doute dans les esprits. C'est justement la réflexion qui doit habiter les joueurs pendant le repas puisque, comme lors de chaque dîner précédant une rencontre, Gernot Rohr a glissé une k7 dans un magnétoscope et fait apparaitre sur l'écran un match disputé par l'adversaire du lendemain. En l'occurrence, il s'agit du frais déplacement d'Ajaccio à Bordeaux (victoire 1-0 des Girondins, 16° j.), un choix se justifiant doublement puisque Nice rendra visite aux Girondins, le dimanche 15 décembre.
Les images de cette rencontre arrosent donc le repas, avant que les joueurs ne rejoignent leur hôtel posé tout près, laissant pour la nuit ce restaurant à l'optimiste devise : « Qui passe par le Castelet a le succès assuré ». Cette légende est nourrie par deux exemples prestigieux : François Mitterand et Jacques Chirac. « Quand ils sont passés chez nous, le premier en 1978, le second en 1990, ils avaient perdu par deux fois l'élection présidentielle, assène la patronne des lieux. Ensuite, ils l'ont remportée. » Les Niçois, eux, n'aspirent qu'à remporter leur duel du lendemain, sans trop subir de ballottage.

MARDI 3. UN 3-0 POUR EN EFFACER UN AUTRE. Il se dirige vers le vestiaire comme il a terminé son match : en trombe. Ultime buteur d'une équipe niçoise revivifiée, Kaba Diawara quitte le terrain où il a bu une rasade de bonheur jusqu'à la dernière goutte, pour rejoindre en courant ses coéquipiers déjà cloîtrés dans une fugace intimité. Ils l'attendent pour partager avec lui les délices de la victoire 3-0 sur Àjaccio.
Juste avant d'entrer l'attaquant du PSG leur lance a travers la porte un appel aussi généreux que ceux qu'il a multiplié sur la pelouse:
"il ne se passe rien là ou quoi ?". les cris s'entremêlent, résonnent dans la pièce, suggérant des scènes festives coutumières après une victoire, la neuvième sur le compte commun des Niçois.
Dans l'euphorie, ce succès permet aussi à chacun d'eux de recevoir un supplément financier sur son compte personnel. Satisfait de sa soirée, le sponsor leur annonce en effet qu'il va majorer la prime de victoire de 50%. Immédiatement, José Cobos exige que le silence s'installe, puis lance à son groupe : « Vous avez entendu ? le sponsor double nos primes ! » Coincé par l'intervention du défenseur central, l'homme en question s'incline alors avec le sourire devant ce capitaine apparemment aussi farouche négociateur dans le vestiaire que tenace footballeur sur les terrains. D'ailleurs, son apport à la saison niçoise est si éclatant cette saison que ses trois absences en Championnat avaient jusqu'à la réception d'Ajaccio, coïncidé avec tes trois défaites du Gym. Alors, en ce soir de malédiction brisée, l'ancien de Strasbourg se réjouit que ses coéquipiers aient pu l'emporter sans lui ou Romain Pitau, de maniére à prouver que les forces de Nice débordent au-delà de onze titulaires immuables.
Surtout, José Cobos est aussi heureux que Sammy Traoré le remplaçant en défense centrale et auquel il a adressé un coup de téléphone après le voyage raté dans les Ardennes. « II m'a dit que c'était un match à oublier face à une équipe assez pénible raconte l'ancien joueur de Créteil, qui a aussi pu écouter les propos de son capitaine juste avant la rencontre. « Je ne jouais pas en raison de ma blessure à la cuisse, j’étais en costume mais j’ai tenu à venir dans le vestiaire et à parler comme si j’allais participer au match, raconte Cobos. Je leur ai dit qu'il n'y avait aucune fatigue au sein du groupe et qu'il fallait retrouver nos valeurs. J'étais aux côtés de l'équipe et je suis content de sa réaction, car elle a évolué comme un leader. Mais, avant le match, on ne regardait pas le classement. Seule l'envie de gagner nous animait. » Le besoin, également, de balayer l'idée naissante d'un brutal déclin niçois démangeait quelques joueurs. « En gagnant de nouveau, on montre qu'on n'est pas là par hasard, et ceux qui nous voyaient "morts" pour la trêve hivernale devront encore compter sur nous, estime Traoré. C'est une belle revanche collective. » Ces quelques mots sont aussi éclatants qu'un sourire, celui qui s'affiche sur le visage de Gernot Rohr : « Sedan-Nice avait été notre plus mauvais match de la saison. Ce soir, il y a eu une réaction d'hommes. Mais on ne se fixe toujours pas d'objectifs autres que le maintien. On veut simplement continuer à travailler avec humilité, simplicité, et dans la joie. »
Autant de valeurs qui forment l'encre dans laquelle les Niçois trempent leur plume pour écrire une histoire sympathique drainant un léger parfum de superstition. Depuis son restaurant le Gantelet, Catherine Servella a-t-elle pu envoyer des ondes positives à l'équipe quelques heures avant le match ? Au moment du déjeuner, elle avait tenu à préciser : « Hier, j'ai parlé de moi, mais tout ce qui arrive aux joueurs tient évidemment à eux. Ils sont formidables ! » Et ils vivent depuis cet été des moments qui font tout le sel d'une carrière de footballeur. »

Vincent Villa
Vendredi 6 décembre 2002
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30e journee de Ligue 1
ven. 19/04/2024 à 21h


Nice - Lorient : 3-0

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  29e journee de Ligue 1
mer. 24/04/2024 à 21h



Pts J V N D Diff
 3.    Brest 53 30 15 8 7 +15
 4.    Lille 52 29 14 10 5 +18
 5.    Nice 47 29 13 8 8 +9
 6.    Lens 46 30 13 7 10 +7
 7.    Rennes 42 30 11 9 10 +8



   26e  sam. 16/03 (21h) Lens - Nice : 1 - 3
   27e  dim. 31/03 (15h) Nice - Nantes : 1 - 2
   28e  dim. 07/04 (15h) Reims - Nice : 0 - 0
   30e  ven. 19/04 (21h) Nice - Lorient : 3 - 0
   29e  mer. 24/04 (21h) Marseille - Nice
   31e  dim. 28/04 (15h) Strasbourg - Nice
   33e  ven. 10/05 (21h) Nice - Le Havre


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